Avez-vous déjà entendu parler du Kernza ? Si ce n’est pas le cas, sachez que d’ici quelques années cette céréale pourrait bien envahir les rayons de votre supermarché, les étales de votre boulanger ou encore même les pizzas et pâtes de votre restaurant italien préféré. En effet, cette céréale originaire d’Iran, fait l’objet de nombreuses études depuis quelques décennies car elle pourrait être la plante qui sauvera la planète.
Synonyme d’écologie, qu’en est-il de ses bienfaits pour l’Homme ? A-t-elle un réel intérêt au point de vue nutritif et alimentaire ? On fait le point dans cet article.
Qu’est-ce que le Kernza ?
Le Kernza n’est pas une souche ou une espèce de blé, mais un nom commercial enregistré appartenant au Land Institute pour une céréale sauvage, parente du blé. La céréale en question est en réalité appelée l’agropyre intermédiaire (Thinopyrum intermedium). Il s’agit d’une graminée vivace et génétiquement apparentée au blé tendre, appartenant à la tribu des Triticeae des Poaideae [1].
Pourquoi Kernza alors ? Tout simplement, car après avoir découvert cette céréale sauvage originaire des haut-plateaux d’Iran, des chercheurs ont tenté de croiser des milliers de spécimens d’agropyre pendant une dizaine d’années dans le but d’augmenter la taille du grain et la solidité de la tige tout en gardant la force des racines. Et c’est en 2013, qu’une première variété d’agropyre intermédiaire destinée à la production agricole est créée aux États-Unis. Ils la nomment « Kernza ».
Le Kernza produit une grande biomasse, c’est-à-dire l’ensemble de la matière organique qui peut être utilisée (céréales, tiges, feuilles, racines,…) et fait ainsi partie des espèces fourragères les plus productives de l’ouest des États-Unis. La graine quant à elle, peut être récoltée pour la consommation humaine. Si elle peut paraître plutôt similaire au blé, il s’agit pourtant là d’une graine étonnante qui pourrait même selon certains agriculteurs représenter la graine du future. La céréale qui sauverait la planète.
Les bienfaits du Kernza pour la planète
Toute la particularité de cette plante réside dans son mode de production. Contrairement aux céréales traditionnelles comme le blé, le maïs ou l’avoine, dites annuelles, le Kernza est une céréale vivace qui une fois plantée, continue à vivre dans le sol et à produire une récolte chaque année sans besoin de semer ni labourer les champs.
Or, c’est justement la façon annuelle de produire de la nourriture qui a un impact énorme sur nos écosystèmes. En effet, en semant tous les ans des plantes annuelles comme le blé, les sols s’appauvrissent, se chargent en pesticides et les cultures sont chaque année de moindre qualité. De plus, source de consommation majeure de combustibles fossiles, l’agriculture est aussi la cause principale de la pollution des plans d’eau.
💧 D’ailleurs, si vous n’avez pas lu notre guide de l’eau, nous vous invitons vivement à le lire pour comprendre comment consommer de l’eau de qualité au quotidien.
Les plantes vivaces n’ont pas besoin d’être réensemencées ou replantées chaque année, elles n’ont donc pas besoin de labour annuel ou de besoins en herbicides pour s’établir. Les cultures pérennes sont ainsi bénéfiques pour l’environnement. Elles protègent le sol de l’érosion et améliorent la structure du sol. En effet, le Kernza dispose de longues racines qui peuvent aller jusqu’à 5 mètres de profondeur contrairement aux plantes annuelles. Ses racines profitent au sol en aidant à stocker les nutriments et l’eau, tout en empêchant l’érosion et en réduisant le lessivage de l’azote dans les eaux souterraines et de surface. Les développeurs du Kernza pensent également que cette céréale pourrait réduire les gaz à effet de serre issus de la production alimentaire en piégeant des quantités importantes de carbone dans le sol, contribuant à l’adaptation et à l’atténuation des changements climatiques. Enfin, cette plante fournirait même un bon habitat aux pollinisateurs, indispensables pour nos écosystèmes.
Les bienfaits du Kernza pour l’homme (valeurs nutritionnelles)
Nous l’avons vu, le Kernza est une des céréales écologiquement parlant les plus intéressantes que nous ayons pu découvrir. Mais qu’en est-il de ses bienfaits pour l’homme ? Est-elle à la hauteur de ses exploits environnementaux ?
Principaux bienfaits du kernza
- ✔️ Riche en protéine
- ✔️ Riche en acides-aminés
- ✔️ Riche en fibres solubles et insolubles
- ✔️ Riche en oméga-3
- ✔️ Riche en calcium
Sur le plan nutritionnel, le Kernza est très similaire au blé, mais possède une teneur en protéines légèrement plus élevée. La teneur en protéines de cette céréale est d’environ 20 % contre 14 % pour le blé.
Le Kernza contient-il du gluten ? Mauvaise nouvelle pour les personnes allergiques au gluten, bien qu’en quantité moindre, le Kernza contiendrait en effet du gluten. Toutefois, certaines études scientifiques qui ont examiné la céréale Thinopyrum intermedium ont rapporté que cette graminée vivace se caractérise par une teneur en gluten inexistante [2]. Il est donc recommandé de bien se renseigner à l’achat et de vérifier la présence de la mention « gluten free » ou « sans gluten » pour les personnes qui y sont allergiques.
Pour les acides aminés, mise à part la teneur nutritionnellement limitée en lysine (tout comme pour le blé), le Kernza possède des niveaux plus élevés que le blé pour tous les autres acides aminés essentiels [3].
Côté fibres alimentaires, qu’elles soient insolubles ou solubles, leurs teneurs sont respectivement huit fois et quatre fois plus élevées dans la farine de Kernza que celles de la farine de blé raffinée [4].
Pour finir, nous avons pu lire à de nombreuses reprises que cette céréale serait riche en d’autres nutriments essentiels comme les acides gras oméga-3 ou encore le calcium et contiendrait moins de glucides que le blé. Malheureusement, du fait du caractère très récent de cette céréale, peu d’études scientifiques sur sa valeur nutritionnelle ont été effectuées concernant ces données.
Alimentairement parlant, quel est son intérêt ?
La réponse est oui et non. Nous venons de le voir, bien que le Kernza contient du gluten, il est moins présent que dans le blé pour le plus grand bien de nos intestins. Mais la faible quantité de cette protéine impacte directement sur la texture des pains et des viennoiseries largement riches en gluten. Réaliser un pain entièrement composé de farine de Kernza n’aura ainsi pas la même texture que le pain blanc que nous connaissons. À vrai dire, des artisans proposent déjà dans leurs boulangeries en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) des pains et pâtisseries réalisés à partir de cette céréale et optent pour un mélange de farine de blé et de Kernza.
Certains restaurateurs et commerces locaux, quant à eux, proposent des plats tels que des pâtes fraîches à base de Kernza, ou encore des pizzas, des crackers, des tortillas, des crêpes et même des glaces. Les stocks sont souvent limités et se vident très rapidement. En effet, cette céréale possèderait un léger goût de beurre accentué par des notes de noisettes ou de noix dont les Américains raffolent.
Enfin, une autre filière de la gastronomie s’est également emparée de cette céréale, il s’agit de la brasserie de bière artisanale. Une fois fermentée, cette céréale de l’avenir, offre des arômes épicés très intéressants.
Les points négatifs du Kernza et évolutions possibles
Le travail génétique doit se poursuivre pour améliorer la culture du Kernza car, malgré les succès des dernières années, les champs de cette céréale produisent, à l’heure actuelle, 3 à 7 fois de rendement moins que le blé. La Land Institute qui est à l’origine des recherches sur cette céréale a d’ores et déjà annoncé une multitude d’évolutions à venir.
Leur programme se concentre actuellement sur la sélection de plantes répondant à un certain nombre de caractères, notamment le rendement, la résistance aux conditions météorologiques, la taille des graines et la qualité des grains. Dans les prochaines années, ils visent notamment à augmenter la taille des grains à environ 50 % de la taille des graines de blé par rapport aux 25 % actuels et souhaiteraient développer des variétés qui se prêtent d’avantages à la qualité de cuisson du pain.
Des expériences sont également en cours pour associer le Kernza avec des légumineuses dans des arrangements inter-cultures qui permettent une plus grande intensification écologique, et pour utiliser cette plante comme culture fourragère et céréalière à double usage dans diverses opérations agricoles. À terme, leur objectif est que cette céréale ait des rendements similaires à ceux du blé annuel et soit largement cultivée dans le nord des États-Unis et dans de nombreux pays du monde [5].
Pour finir, dernière ombre au tableau, et une question que vous vous posez sûrement tous, où acheter du Kernza et à quel prix ? À notre habitude, nous allons être francs avec vous. Cette céréale bien que très intéressante sur de nombreux points est pour le moment très difficile à trouver dans les commerces. Les ventes en supermarchés ne sont pas d’actualité en Europe et les cultures en cours en France sont encore trop peu connues du public, souvent destinées à la recherche, à l’écoconstruction ou à la consommation animale. Il faudra encore attendre quelques mois voire années pour que l’on puisse la consommer plus facilement. D’ailleurs, en raison des stocks limités, la farine de Kernza coûte cinq fois plus cher que celle de blé. Le marketing est donc ralenti par une production très modeste.
FAQ : réponses à vos questions
Caractéristiques de la plante
Le kernza est-il un OGM ?
Vous êtes nombreux à vous demander si le Kernza est une plante génétiquement modifiée (OGM). La réponse est non. La modification génétique peut être une solution rapide au problème de semis de Kernza, mais alors les agriculteurs certifiés biologiques ne pourraient pas acheter des semences ce qui serait un comble pour une céréale qui n’a théoriquement pas besoin de pesticides. La Land Institute travaille plutôt sur plusieurs cycles de sélection et d’accouplement des meilleures plantes en fonction de leur rendement, de la taille des graines, de la résistance aux maladies et d’autres caractéristiques pour permettre d’améliorer les espèces d’agropyre intermédiaire.
Quel goût a le kernza ?
Le Kernza possède une saveur légèrement terreuse selon les endroits où il pousse. Son goût est ensuite rehaussé par des saveurs de noisettes ou de noix selon les régions.
Allergies et contre-indications
Le kernza contient-il du gluten ?
Sur le site officielle de la céréale Kernza.org, les mentions affirment que le Kernza® contient du gluten, mais en moindre quantité que le blé. Certaines études scientifiques qui ont examiné la composition nutritionnelle de la céréale Thinopyrum intermedium ont rapporté que cette graminée vivace se caractérise par une teneur en gluten inexistante [2]. Il est donc recommandé de bien se renseigner à l’achat et de vérifier la présence de la mention « gluten free » ou « sans gluten » pour les personnes qui y sont allergiques. Si les malades cœliaques doivent se méfier des produits pouvant contenir des traces de gluten, les personnes moins sensibles pourront la tester et voir comment leur corps réagit.
Culture de plante
Le kernza est-il invasif ?
Le Kernza serait un cousin lointain du chiendent officinal (Elymus repens, Agropyron repens ou Elytrigia repens), une plante vivace herbacée qui compte plusieurs espèces appartenant toutes à la famille des Poacées et reconnue comme très invasive et détestée des jardiniers. D’après l’expérience de certains fermiers qui utilisent le Kernza et contrairement au chiendent, cette céréale du futur peut être facilement contrôlée avec des herbicides ou avec un travail mécanique du sol et ne représente pas une menace significative en tant que plante envahissante.
Y-a-t-il déjà des agriculteurs de Kernza en France ?
Oui plusieurs agriculteurs sont actuellement en train de cultiver le Kernza en France dont notamment à Carolles en Normandie et en Isère. Pour l’instant, ces productions sont encore principalement destinées à la recherche, à l’écoconstruction ou au fourrage animalier. Bientôt, il y aura des cultures destinées à la consommation humaine.
Références scientifiques
Voir les références
- Mahelka, Václav & Kopecky, David & Paštová, Ladislava. (2011). On the genome constitution and evolution of intermediate wheatgrass (Thinopyrum intermedium: Poaceae, Triticeae). BMC evolutionary biology. 11. 127.
- Becker R., Wagoner P., Hanners, G.D. and Saunders R.M. (1991), Compossitional, nutritionnal and functional evaluation of intermediate wheatgrass (THINOPYRUM INTERMEDIUM). Journal of Food Processing and Preservation, 15: 63-77.
- Marti, Alessandra & Qiu, Xiaoxue & Schoenfuss, Tonya & Seetharaman, Koushik. (2015). Characteristics of Perennial Wheatgrass (Thinopyrum intermedium) and Refined Wheat Flour Blends: Impact on Rheological Properties. Cereal Chemistry Journal. 92. 150420053309001.
- The Land Institute, Kernza® Grain.
- The Land Institute, The future of farming. The future of food. Kernza.org
- Jeremie R. Favre, Tatiana Munoz Castiblanco, David K. Combs, Michel A. Wattiaux, Valentin D. Picasso, Forage nutritive value and predicted fiber digestibility of Kernza intermediate wheatgrass in monoculture and in mixture with red clover during the first production year, Animal Feed Science and Technology, Volume 258, 2019, 114298, ISSN 0377-8401.